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Antoine Denis

La fin des subventions aux voitures électriques



L’annonce de la fin progressive du programme Roulez Vert a déjà fait couler beaucoup d’encre cette semaine. Si pour certains c’était une surprise ou un scandale que d’arrêter de subventionner les véhicules électriques individuels, je suis plutôt d’avis que c’était un geste globalement positif, si on regarde à la fois le chemin qui se dessine à l’horizon et celui déjà parcouru, dans le rétroviseur.

Un coût collectif de plus en plus élevé

Dans le discours du budget 2024-2025 (écouter), le ministre des Finances, M. Eric Girard, a souligné que les économies liées à l’arrêt de ces rabais seraient intégralement redirigées vers d’autres programmes jugés plus efficaces dans la lutte aux changements climatiques.

On peut avoir tendance à rapidement l’oublier, mais ces escomptes n’étaient pas bêtement absorbés par les concessionnaires ou les fabricants. Il s’agissait de dépenses assumées par l’ensemble des contribuables. Une facture de plus en plus lourde.

Dans le dernier exercice 2023-2024, cette dépense s’est élevée à ≈400 millions de dollars, ce qui était près du double des 230 millions de l’année précédente! En choisissant de dépenser dans le transport électrique individuel, ce sont des centaines de millions de dollars qui ne pouvaient pas aller vers d’autres programmes de lutte aux changement climatiques. Du transport collectif, plutôt qu’individuel, par exemple. Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme.

Nous ne sommes pas les seuls

N’oublions pas que le Québec ne fera pas classe à part en coupant progressivement son programme, d’ici le 1er janvier 2027. D’ailleurs, comparativement aux autres provinces, nous avions jusqu’ici la subvention la plus généreuse au pays, alors que nos tarifs de recharge (dûs à notre héritage hydro-électrique) étaient déjà parmi les plus faibles. De plus, au fédéral, l’incitatif au véhicules zéro émission (iVZE) allait déjà prendre fin dans la prochaine année (d’ici le 31 mars 2025, ou avant).

Il y a désormais un quart de million de voitures électriques sur les routes du Québec. Seulement par le comparatif des économies via l’électricité contre le coût d’essence, un individu peut déjà rentabiliser son achat, selon un nombre de paramètres (kilométrage annuel, durée de possession de l’achat, etc).

La contribution des usagers

Est-ce vraiment normal et souhaitable qu’un déplacement individuel en voiture électrique coûte actuellement moins cher qu’un billet d’autobus?

À quel moment viendra-t-on récupérer l’écart de contribution collective qui ne passera plus par les taxes sur l’essence? Là, ce seront d’autres gestes politiquement impopulaires à venir dans la prochaine décennie, mais qu’on relayera surement sous le tapis aussi longtemps que possible.

Pour l’instant, le marché de l’achat des véhicules neufs électriques atteignait un début de maturité et il était temps de passer à une prochaine étape, en attendant celle des contributions à l’opération pour l’utilisation de nos infrastructures publiques.

L’effet secondaire sur les prix

C’est une évidence que les fabricants ont joué les règles du jeu et qu’ils ont flirté longtemps avec cette double ligne tracée par les plafonds d’admissions aux subventions. Les véhicules devaient avoir un prix de détail suggéré d’au maximum 55,000$, mais le programme permettait l’ajout d’un groupe d’options jusqu’à 10,000$ (source). C’est drôle comment le véhicule qui était en stock, plus rapide à obtenir, ou simplement plus intéressant, c’était souvent celui 10,000$ plus cher. Pure coïncidence, j’imagine.

À l’été 2023, le Guide de l’auto écrivait que le prix moyen d’un véhicule neuf venait d’exploser à plus de 64,000$, au Québec! Ça ressemble drôlement à 55,000$, plus 10,000$ d’options et c’est près du double des 34,000$ moyens à la fin 2019, seulement 4 ans plus tôt. Pas surprenant qu’on parle toujours d’un prix par semaine et presque plus jamais d’un prix comptant.

Notons que cela arrive dans la même période que l’élimination générale des voitures sous-compactes (Toyota Yaris, Honda Fit, Mazda 2) et qu’où les berlines compactes (Toyota Corolla, Honda Civic, Mazda 3), autres fois reines des ventes de voitures neuves, qui ont maintenant cédé leur place aux imposants VUS et camionnette.

Les vendeurs diront que les clients préfèrent ou choisissent de plus gros véhicules, mais est-ce vraiment un choix si la publicité et l’offre effacent les petits modèles? C’est donc un résultat bien plus attribuable au marketing et aux choix de production, qu’aux hivers des dernières années ou à la taille des ménages québécois.

L’après-goût un peu amer de la combinaison de tous ces facteurs en est un de constat qu’on a partiellement contribué à la rationalisation sociale de véhicules chers et luxueux, déviant de la fonction utilitaire de base de nos paquets de tôle sur quatre roues et tendant vers des merveilles hédonistiques à haut dégagement du plancher des vaches.

Pourquoi les prix vont-ils inévitablement baisser?

Prenons l’exemple d’une personne gagnant le revenu médian d’environ 60,000$. Si cette personne peut ou veut consacrer au maximum 10% de son budget pour son transport, c’est donc 6,000$ par année (500$ par mois), qui sont disponibles.

Si ce budget lui confère une capacité de 30,000$ sur 5 ans, mais qu’on lui permet plutôt d’acheter une voiture de 42,000$ pour le même prix, que pensez-vous qu’il arrive? En raison du marché subventionné, cette personne ne faisait qu’augmenter sa capacité d’achat, grâce à des fonds dont elle ne disposait pas normalement. Une fois les subventions disparues, ça ne veut pas dire que l’individu sera prêt à mettre sa main dans sa poche pour combler personnellement l’écart précédemment mutualisé par la société. Le marché s’ajustera pour lui vendre une nouvelle voiture à 500$ par mois, sans subvention.

C’est déjà planifié

D’ailleurs, les manufacturiers ont probablement déjà tous prévu le coup. Le développement d’un nouveau véhicule ne se planifie pas en nombre de mois, mais bien en nombre d’années.

Par exemple, dans son 3e master plan, Tesla confirmait de façon informelle la venue éventuelle d’une voiture compacte, à être annoncée plus tard, nécessairement moins chère que les modèles 3 et Y. Ils estiment aussi qu’ils vendraient presque deux fois plus de ce modèle compact, que de ses modèles 3 et Y. Si Tesla l’annonçait publiquement, les autres y tablaient sans doute déjà, secrètement, pour suivre la marche et répondre aux futures normes de production. Selon plusieurs sources, on parlerait de véhicule(s) autour de 25,000$US (≈35,000$CAD).

C’est drôlement circonstanciel que ce(s) petit(s) modèle(s) économique(s) ferait supposément son apparition au tournant 2026-2027, et représenterait un prix avoisinant le coût net, après subventions, d’un modèle 3 de base d’aujourd’hui.

Le marché, comme la nature, a horreur du vide

Ne vous inquiétez pas, d’autres modèles apparaitront plus rapidement qu’on ne le pense, pour combler le vide entre le désir de rouler électrique des québécois, et la capacité réelle d’un portefeuille moyen. Si la réponse ne venait pas des constructeurs que l’on connait ici, rien ne dit que d’autres d’ailleurs ne viendront pas s’inviter dans la danse.

Entretemps, j’espère que ma berline hydride 2016 pourra tenir la route au moins jusqu’en 2030, laissant ainsi le temps à ce marché de transition de s’auto-normaliser.


Sources:

Illustration: Généré avec l'IA, le 13 mars 2024 à 5:14 pm, avec Microsoft Copilot Designer. Commande «whimsical paper collage diorama, with purple and white color palette, and warm lighting. An electric SUV car charging at a lake house. in the background, a lush north eastern American forest»



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