En plus de leur aspect ludique, j’adore le potentiel pédagogique des jeux de société. On peut y apprendre la gestion de ressources limitées dans un cadre de règles définies, la planification stratégique, la gestion des émotions dans une compétition amicale, la prise de risque et bien plus encore!
Le contexte fictif initié par chaque nouvelle partie de jeu, combiné au plaisir du divertissement social, sont des véhicules propices pour momentanément laisser de côté nos appréhensions et viser la victoire.
Dans cette idée de joindre le ludique au pédagogique, voici quelques jeux à essayer avec amis et famille, qui abordent plus particulièrement des notions d’éducation financière.
*Aucune rémunération n’a été reçue pour cette publication. Je ne partage que des avis personnels, basés sur des expériences vécues.
L’introduction classique
Introduit il y a près d’un siècle, le Monopoly™ est sans équivoque le classique des classiques, pour introduire certaines notions de finances. Cependant, bien que j’apprécie encore à l’occasion une partie, je trouve son cadre limité. Pour les joueurs plus expérimentés, vous saurez qu’il existe quelques failles mécaniques qui peuvent être exploitées (on salue les propriétaires des maisons oranges) pour presque assurer la victoire. Rapidement, le jeu relève plus de la chance et des probabilités, que de la maîtrise, à proprement parler, de notions pratiques et réutilisables, en finances personnelles. De plus, la seule façon de gagner est de mener les autres joueurs à la faillite. L’idée de devoir abaisser les autres pour s’élever soi-même en est une qui ne me rejoint pas particulièrement.
Également, comme le disait Pierre-Yves McSween dans mon premier film « Liberté. Un éveil à l’indépendance financière. », l’un des plus grands mensonges du Monopoly, c’est qu’on part tous avec le même capital (200$). Même les montants de revenus sont identiques à tous les joueurs et ne laissent que peu de choix (choses qui ne sauraient être plus fausses dans la vraie vie).
Finalement, l’unique focus sur l’immobilier limite gravement les notions pédagogiques à seulement ce type d’investissement qui occupe déjà beaucoup d’espace dans la valorisation sociale, en Amérique du Nord.
Ce qui est clair, c’est qu'au nombre incalculable d’éditions spéciales et d’utilisations de la marque de sa commerce, Monopoly™ sait comment imprimer de l’argent, depuis longtemps!
Une version plus nuancée
Apparu quelques décennies plus tard, le jeu Destin® (The Game Of Life®) donne un peu de contrôle aux joueurs, dès la première décision : poursuivre des études prolongées ou rapidement intégrer le marché du travail par un métier. Le choix du parcours sera plutôt déterminant sur les revenus du joueur, et en fait, sur sa capacité à gagner. Tout n’est pas joué dès le premier lancer de dés, car le plateau lancera aux joueurs des opportunités, des risques et des évènements, tous mélangés avec un peu de hasard.
Via les choix de parcours professionnel, il y a même certaines notions de création de valeur, de rémunération de départ, de plafonnement du salaire (pour la majorité des cas) et même d’impôt sur le revenu! En préparant cet article, j'ai même été surpris de constater que dans le jeu, plus on gagne d’argent, plus on paie d’impôt, même en pourcentage!
Par exemple, sur les cartes que j’ai trouvées, un vendeur gagnant 20,000$ payerait 5,000$ d’impôt (25.00%). Un enseignant gagnant 40,000$ payerait 15,000$ d’impôt (37.50%). Un médecin gagnant 100,000$ payerait 45,000$ d’impôt (45.00%). Il suffit d’extrapoler un peu les chiffres pour s’ajuster à l’inflation du jour, mais je trouve ces ratios assez près de la réalité, en termes de taux moyens d’imposition.
Dans la progression du jeu, le joueur se verra offrir l’opportunité d’acheter une première propriété, relativement modeste, et de la revendre optionnellement un peu plus tard. On y dégage presque tout le temps un petit gain, quoique modeste. Dans ces cartes de première propriété, il y avait une maison mobile (80,000$, revendue plus tard 80,000$ avec aucun gain), un condo (100,000$, revendu plus tard 105,000$ avec 5% de gain) et quatre styles de maisons unifamiliales.
Ce qui m’a surpris en revisitant celles-ci, c’était que les maisons unifamiliales, de 120,000$ à 180,000$, étaient toutes revendues plus tard en dégageant un profit identique de 20,000$, mais que si on ramenait ces gains sur le prix d’achat, la maison la plus chère (180,000$, revendue plus tard 200,000$ pour 11% de gain) générait un retour sur investissement plus faible que l’unifamiliale la plus abordable (120,000$, revendue plus tard 140,000$ pour 17% de gain)
Mon interprétation libre (on s’amuse) : il y aura toujours plus d’acheteurs pour une habitation plus modeste, car elles sont celles qui permettent d’accéder à la propriété. En revanche, une plus grande propriété viendra avec son lot de plus grandes dépenses, que ce soit en entretien, en réparation, en énergie ou même en taxation. Un choix judicieux de ne pas plus récompenser les goûts de grandeur que ceux plus humbles.
Le jeu pousse même la note avec les résidences secondaires! Manoir, penthouse ou chalet de luxe sur la montagne sont offerts, mais optionnels, une fois arrivé à mi-parcours. Ces résidences plus luxueuses n’offriront pas de gain plus tard et je ne leur vois pas d’autre rôle que d'assurer une certaine protection du capital du joueur. Ce sera un actif ajouté au décompte de fin de partie, mais son objectif n’était pas de générer du rendement. Intéressant.
Nos politiques fiscales bénéficieraient de s’inspirer un peu de cette philosophie. Une propriété, c’est fait pour l’habiter et avoir un chez-soi. Ça ne devrait pas être le plus grand véhicule de création de richesse. Dans les règlements actuels de notre jeu de la vie canadienne, il n’y a aucune limite à l’exonération de gain en capital sur résidence principale. Ainsi, un propriétaire de quartier cossu dont la maison serait aujourd’hui évaluée à 2,500,000$, achetée il y a 20 ans pour 500,000$, vient de générer 2 millions de dollars complètement à l’abri de l’impôt.
À titre de référence, dégager 2 millions de dollars libres d’impôt demanderait en temps normal un gain en capital d’au moins 2.7M$ ou un salaire annuel supérieur 4.25M$!
En somme, Destin® est une amélioration nette sur le cadre très limité du Monopoly, tout en incluant une certaine flexibilité de choix au joueur et l’idée qu’on n’a pas non plus besoin de nuire aux autres, pour gagner. Ce n’est pas parfait, mais je crois que c’est vraiment un bel outil ludique, coloré, facile à trouver et pas cher, pour aborder un paquet de notions financières, même avec de jeunes enfants.
Un jeu encore plus avancé
S'adressant moins pour les jeunes enfants, mais plus pour les adolescents et adultes, le jeu Cashflow® est sans équivoque le jeu de littéracie financière le plus avancé que j’ai rencontré à ce jour. Vous connaissez le livre « Rich Dad Poor Dad » (Père riche, père pauvre)? Si je me souviens bien, le livre était à la base une sorte de guide stratégique pour gagner au jeu Cashflow®. Bien que je ne sois pas en accord avec tout de l’auteur Robert Kiyosaki (surtout depuis qu’il s’est mêlé à la cryptomonnaie), je vais lui lever mon chapeau pour ce concept de jeu éducatif.
L’objectif du jeu est simple : «Get out of the rat race». Cette expression anglophone désigne cette course effrénée à l’argent, où d’une paie à l’autre on continue à tourner en rond… jusqu’à ce qu’on prenne action pour s'en sortir!
Au départ, chaque joueur reçoit une carte de métier qui introduira la lecture d’un bilan de revenus, de dépenses, d’actifs et de passifs. Ce que l’on possède (actifs) et ce que l’on doit (dettes) génèrent des revenus et de dépenses qui laisseront un montant (idéalement positif), à chaque mois de paie. Revenus, moins dépenses, égal argent net mensuel.
À l’intérieur du cercle, les joueurs se verront offrir diverses opportunités de petits et grands investissement qu’ils auront ensuite la liberté d’évaluer s’ils doivent accepter ou décliner. Il y a des jours de paie, des jours de dépenses (plus de la malchance qu'une récompense), des jours pour faire des don de charité, et plus.
Le premier niveau, avec raison, est le plus long. Pour échapper à la boucle infinie, il faut que nos revenus passifs (d’investissement) substituent les dépenses. Ce qui est intéressant, c’est que les cartes distribuées au départ, celles qui déterminent l’emploi et par conséquent le salaire, elles reflètent autant les revenus, que les dépenses.
Par exemple, le joueur qui pige la carte de profession d’avocat, oui, aura un plus gros revenu (7,500$ par (mois de) paie), mais aura aussi de plus grandes dépenses (5,100$). Il en reste beaucoup après (4,900$), mais pour se libérer du « rat race », le joueur devra générer beaucoup plus de revenus passifs pour couvrir son niveau de dépenses (8,300$), comparativement au concierge qui n’aura qu’à substituer 1,000$ de dépenses (sur 1,600$ de revenus).
Dénotons que même les dépenses liées à l’ajout d’enfants sont différentes d’une profession à l’autre, reflétant possiblement certaines conventions ou attentes sur le niveau de vie « normale » des enfants, par rapport au statut socio-économique du parent. Chaque poste de dépense vient se calquer sur le revenu de la profession. La maison du médecin coute 10x celle du concierge, par exemple. Ces subtiles différences permettent de nuancer et saisir que la profession la plus payante n’égale pas toujours la liberté financière la plus rapide. Ça permet aussi de ne pas avoir à déclarer forfait dès la pige initiale des professions.
L’air de rien, de façon graphique et ludique, on introduit les joueurs à un cours 101 de comptabilité, en lui présentant les quatre quadrants des revenus, des dépenses, des actifs et des passifs. Je vous épargne le détail de chacune des mécaniques (voir les vidéos des règles et mécaniques), mais seulement pour cette portion, le jeu pourrait servir dans un cours d’introduction à la comptabilité.
Une fois que les revenus passifs du joueur dépassent ses dépenses, il quitte le « rat race » et rejoint le « fast track » (voie rapide) où de plus grosses opportunités d’investissement, avec des cashflows toujours et plus positifs, se présenteront à presque chaque lancé de dé.
C’est bien merveilleux tout ça, mais ce jeu, en copie physique, n’est pas donné. On parle d’environ 130$ CAD (90$ USD). Par contre, il est possible d’y jouer GRATUITEMENT, sur le site web officiel de la compagnie. Il permet même d’y jouer seul, ou en ligne avec d’autres. C’est la version originale du plateau et des règles, avec certaines contraintes et règles qui ont plus tard été modifiées dans les réimpressions, mais ça permet certainement d’en comprendre les mécaniques. Également, le jeu en ligne n’est offert qu’en anglais, et le jeu physique en anglais ou en espagnol.
Apprendre avec un grain de sel
Au final, c’est à vous de juger quel jeu pourrait vous convenir le mieux, selon les objectifs et les joueurs visés. Je ne reçois aucune rémunération d’aucun de ceux-ci, donc recevez ces commentaires et recommandations à titre d’information utile seulement, et les enseignements véhiculés, à prendre avec un grain sel chacun.
Et vous, quelle est votre façon favorite ou ludique de parler de finances personnelles?
Sources:
Illustration: Généré par IA, avec Microsoft Copilot Designer. Commande: «whimsical paper collage diorama, with purple and white color palette and warm lighting. a first-person view, as if a token on a monopoly board.»
Some really great games that are directly tied to financial literacy! Its interesting to think of other less overt games where balancing scarce resources and limited choices also impact decision making and success.