Un milliard de dollars, c’est tellement gros comme chiffre qu’on en perd un peu le sens tangible. Oui, on sait que c’est beaucoup. Oui, on sait qu’un milliard équivaut à mille millions. Ok. Mais combien c’est, de façon tangible?
Si on vous donnait un million de dollars à dépenser chaque jour (pas par année, par jour), 365 jours par année, il vous faudrait un peu plus de 17 ans et 6 mois pour venir à bout d’une enveloppe totale de 6,4 milliards de dollars.
6400 millions, c’est le coût collectif que ça devrait nous coûter pour sauver un petit 5$ sur 100, pour un cadeau, le temps d’un Noël. Un escompte qui sera vite oublié, mais que l’on va longtemps payer.
Qui en bénéficiera réellement le plus?
Bien qu’à son fondement même, je trouve la mesure contre-productive et simplement équivalente à un sugar-rush de deux mois, à bien y penser, ce n’est pas ça qui m’achale le plus. Ce n’est pas le 10$ sauvé sur 200, pour souper en famille, ni même 25$ sur 500, qui vont faire la plus grande différence sur notre coût collectif ou même sur notre portefeuille individuelle.
C’est plutôt la famille bien nantie, qui planifiait déjà dépenser beaucoup, à qui on vient d’offrir un cadeau qu’ils n’ont même pas eu besoin de demander au Père Noël. Ce sont ceux qui vont manger aux plus grandes tables et boire les plus grands vins qui sauront faire grimper des factures dans les milliers, voire les dizaines de milliers de dollars. On peut manger beaucoup de repas, en 60 jours.
En pourcentage, le « rabais » de 5% reste le même. En dollars absolus, l’écart pourrait être énorme. Puisqu’il n’y a pas vraiment de plafond défini dans la forme actuelle du projet de loi pour le congé de TPS de 2 mois, la restauration et l’alcool seront probablement les catégories de dépenses, ironiquement les moins essentielles, qui en bénéficieront le plus.
L’intention du législateur est d’aider les familles qui ne l’ont pas facile cette année. Oui, on ne peut pas le nier, il y en a qui ont besoin d’aide. Par contre, à coût égal, aurions-nous pu réfléchir à une façon plus ciblée de les rejoindre et de faire une vraie différence dans leur vie? N’aurions-nous pas pu verser quelques dizaines ou centaines de millions à des organismes qui sont déjà en contact avec ces personnes dans le besoin?
De mon point de vue, l’absence de paramètres de contrôle et de plafond sur la limite d’utilisation fait que dans la réalité on aide plus des milliardaires à s’acheter une bouteille de Romanée-Conti Grand Cru pour Noël qu’autre chose (du vin qui s’apparente plus au prix d’une voiture qu’à une bouteille de jus de raisin fermenté).
L’intention est bonne. Les moyens pour s’y rendre, pas vraiment.
Changer quatre trente sous pour une piastre
En octobre, un rapport annuel de Deloitte publiait le budget de dépenses estimées des consommateurs canadiens pour les fêtes à venir. C’est donc dire que pour la plupart, ce montant était déjà plus ou moins défini et qu’il allait s’établir en moyenne autour de 1478$ pour 2024.
En anglais, on appelle sunk cost fallacy ce concept où une dépense a déjà été faite ou a déjà été anticipée comme si elle avait été faite dans notre tête, de sorte à l’avoir complètement intégrée. La dépense paraît normale, parce qu’on avait prévu la faire ainsi et elle appartient aux décisions du passé.
La traduction technique serait coût irrécupérable, mais je préfère l’image de sunk (coulée), car elle me fait penser à une idée qui est déjà coulée dans le béton. Ce n’est pas complètement irrécupérable, mais ça demanderait beaucoup d’efforts pour changer quelque chose de déjà accepté.
Soudainement, arrive un rabais de 5% pour les achats des fêtes. Le consommateur moyen va-t-il réellement renvoyer la différence de 74$ sur son hypothèque, son épicerie ou son RÉER, ou va-t-il plutôt déjà dépenser 1478$, peu importe? Je me permets de croire qu’il ne fera qu’acheter plus, avec un même montant, car le comportement humain en fera probablement ainsi.
Après tout, qui n’aime pas se gâter plus, pour moins?
Saluons au passage les comptables et programmeurs qui auront tout un beau casse-tête à faire pour le suivi des taxes, en pleine saison d’achalandage maximal.
Tout ça, pour le temps d’un 63 jours à 6400 millions.
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Illustration: Générée par l'IA de Microsoft Copilot Designer le 22 novembre 2024, à 17:26 sous la commande « whimsical paper collage diorama, with dominant purple color palette, warm comforting lighting of a luxurious decorated christmas tree in a vast cathedral roof living room, more colorful with ornaments, add a cozy fireplace, include piles of wrapped gifts, add a snow scene outside, make it more festive with lights »
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