Qu’est-ce que tu fais dans la vie? C’est souvent l’une des premières questions que l’on pose lorsqu’on rencontre quelqu’un. La convention veut que l’on réponde par le titre de notre emploi. De manière plus insidieuse, mais souvent inconsciente, on cherche à situer où se trouve notre interlocuteur sur l’échelle socioéconomique.
La plupart du temps, la question sous-entend que l’on attend une réponse simple et rapide : un titre de poste, un métier ou une profession facilement identifiable. Pourtant, je préfère la réponse complexe et détaillée, celle qui révèle davantage sur la personne avec qui je parle.
Perdre mon étiquette
Lorsqu’en 2020 je pris le virage pour la bretelle quittant la sécuritaire route T4 de l’emploi et menant à la rocambolesque T2125 du travail autonome, je me suis temporairement retrouvé sans étiquette.
Pendant au moins un an, je ne savais pas trop quoi répondre à la fameuse question « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? ». Faute de mieux, je disais que j’étais travailleur autonome, mais cette réponse restait vague, même pour moi. Qu’étais-je vraiment?
À travers mes rencontres d’entrevues pour mes films, j’ai constaté que ce dilemme n’était pas unique. De nombreux jeunes et moins jeunes retraités se retrouvaient dans cette même situation lorsqu’ils quittaient le marché de l’emploi. Perdre son étiquette professionnelle, c’est, pour plusieurs, perdre une part de leur statut social, du moins aux yeux de leur entourage.
Devenir pluriétiqueté
Après la sortie de mon premier film, j’ai fini par accepter que je pouvais être considéré comme réalisateur, même si j’avais touché à tous les aspects d’une production. Avec la sortie de mon deuxième puis de mon troisième film, j’ai adopté l’étiquette de documentariste; une personne qui réalise des films documentaires. Puis sont venues les premières conférences devant divers groupes, les interventions dans mes anciennes écoles, le rôle de chroniqueur économique auxiliaire à la radio, et enfin l’ouverture de ce blogue pour des rédactions hebdomadaires.
Chaque nouvelle tâche, mandat, projet ou activité a contribué à enrichir les étiquettes auxquelles je m’identifie aujourd’hui. C’est un modèle inspiré par les individus les plus libres et sereins que j’ai rencontrés : des personnes qui, en se libérant de la monoétiquette, se définissent par une multitude de rôles et de qualificatifs.
Une évolution lente
Nous nous attribuons des étiquettes pour nous identifier à un groupe et ressentir un sentiment d’appartenance. Si cela contribue à notre bonheur en créant des connexions, pourquoi nous limiter à une seule étiquette quand on nous demande « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? »
La prochaine fois que quelqu’un vous pose cette question, essayez plutôt de répondre par ce que vous faites ou ce qui vous passionne. C’est une lente évolution à entreprendre, mais je crois qu’à terme, nous pourrions changer certains dogmes de notre société de consommation. Ceux qui nous font vivre pour travailler et travailler pour vivre. Ceux qui nous poussent à acheter des choses dont nous n’avons pas vraiment besoin, avec de l’argent que nous n’avons pas vraiment, pour impressionner des gens que nous ne connaissons pas vraiment non plus. Ceux qui nous définissent par notre revenu ou par nos possessions, plutôt que par qui nous sommes.
Le nouveau marché du travail
Je pense que cette idée résonne avec ma génération et celle plus jeune, plus que jamais auparavant. Cela contribue à la popularité du mouvement FIRE (Financial Independence, Retire Early) chez ces générations, et je comprends que cela puisse choquer les générations précédentes pour qui le marché de l’emploi était plus incertain et moins reconnaissant de la contribution apportée.
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, être flexible et multidisciplinaire devient une qualité de plus en plus importante. À la vitesse à laquelle de nouveaux emplois apparaîtront et disparaîtront, les carrières longues dans un même poste et chez le même employeur deviendront de plus en plus rares. À vrai dire, elles le sont déjà. De part ce même fait, finis sont les jours où la plupart pourront se fier sur un fonds de pension pour financer leurs vieux jours. Nous devons nous responsabiliser à bâtir le nôtre, par des efforts d’épargne et d’investissement significatifs.
Ne nous contentons pas d’accepter que les choses changent, embrassons le changement. Profitons de cette opportunité, avec ces nouveaux outils et plateformes, pour être et faire plusieurs choses. Ne nous limitons plus à une seule étiquette, devenons pluriétiquetés.
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Illustration: Générée avec l’IA de Microsoft Copilot Designer, le vendredi 23 août 2024 à 4:17 p.m. avec la commande : « whimsical papercraft Collage diorama, cinematic medium wide shot. Late twenties blue eyes smiling man, s-shaped curtain cut hair and little facial hair. Wears multiple blank red and white sticker name tags on a purple polo shirt. Wears navy jeans. He is the focal point. Behind, elegant cocktail dinner, softly blurred. contrast his casual style with the formal setting. The scene is in a warm purple and white palette; every guest wears a name tag except him. Very warm lights »
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